Jersey


Guernesey

Îles Anglo-Normandes

(Channel Islands)

Dépendances de la Couronne britannique

Capitales:  
  - Saint-Hélier / St. Helier (Jersey)
  - Saint-Pierre-Port / St. Peter Port (Guernesey)
Population: 150 000 pour l'ensemble des îles Anglo-Normandes
Langues officielles:  
- anglais et français (Jersey)
- anglais (Guernesey)
Groupe majoritaire: anglais (98 %)
Groupes minoritaires: franco-normand (jersiais et guernesiais)
Régime politique: bailliages (celui de Jersey et celui de Guernesey) dépendant de la Couronne britannique
Articles constitutionnels (langue): aucun
Lois linguistiques: aucune

1 Situation géographique

Dans la Manche, à quelque 20 km au large des côtes françaises du golfe de Saint-Malo, les îles Anglo-Normandes (angl. Channel Islands) constituent un archipel du Royaume-Uni. Cet archipel comprend les îles de Jersey, de Guernsey (fr. Guernesey), d'Alderney (fr. Aurigny), de Herm, de Jethou et de Sark (fr. Sercq), ainsi que plusieurs îlots inhabités (Brechnour, les Casquets, Lihou, les Minquiers, les Roches Douvres). L'ensemble de l'archipel (voir la carte détaillée) couvre 194 km2 pour une population d'environ 150 000 habitants répartis comme suit: 85 000 à Jersey (la plus grosse île), 60 000 à Guernesey, 2200 à Alderney, 600 à Sark et environ 200 à Herm et à Jethou. 

À ces îles dites «britanniques» s'ajoute l'archipel français de Chausey, placé sous la juridiction de la ville de Granville (République française) dont il est séparé par moins de 10 kilomètres.

2 Les langues utilisées dans l'archipel

Le français a été longtemps la langue officielle des îles Anglo-Normandes, alors que la population parlait le franco-normand (appelé aussi anglo-normand ou Norman French en anglais), une langue locale teintée de vieux français, de dialectalismes normands (vieux norrois des Vikings) et de vieil anglais. Le franco-normand est de moins en moins parlé depuis la fin des années trente. Aujourd'hui, seuls quelques milliers de locuteurs (entre 5000 et 10 000, tout au plus), particulièrement à Jersey, à Guernesey et à Sark, parlent encore le franco-normand, la langue des descendants des conquérants normands. On distingue deux variantes principales de cette langue: le jèrriais ou jersiais (angl. Jersey-French) et le dgèrnésiais ou guernesiais (angl. Guernsey-French). On peut obtenir des renseignements historiques supplémentaires sur le franco-normand et examiner quelques exemples de ces deux variantes franco-normandes que sont le jersiais et le guernesiais en cliquant ici.

L'anglais a remplacé le français comme langue officielle depuis 1966 à Guernesey, mais ce dernier est resté co-officiel avec l'anglais à Jersey. Étant donné que les îles Anglo-Normandes constituent une destination de vacances très populaire, tant pour les Français que pour les Anglais, et qu'elles offrent tous les types d'hébergement modernes ainsi que des activités récréatives de rêve, il reste encore très utile de connaître le français. On estime que les insulaires parlent couramment le français dans une proportion de 11 %.

La plupart des insulaires (entre 85 % et 89 %) sont nés dans les îles Anglo-Normandes, les autres sont originaires du Royaume-Uni ou d'autres pays d'Europe. L'apport de l'immigration anglophone ainsi que les liens politiques et économiques avec la Grande-Bretagne ont sans aucun doute contribué à répandre l'anglais partout dans les îles au point où la quasi-totalité de la population, soit 98 %, a maintenant l'anglais comme langue maternelle. Les 2 % de locuteurs du franco-normand jersiais ou guernesiais sont bilingues ou trilingues, et connaissent bien l'anglais.

3 Données historiques et juridiques

À l'origine, des populations celtes occupèrent les îles Anglo-Normandes. D'ailleurs, les noms de lieu tels que Guernesey, Jersey, Sercq, etc., sont d'origine celte. Puis les Celtes sont se fait repousser par les Normands au IXe siècle. En 945, les îles Anglo-Normandes faisaient partie du duché de Normandie. Ensuite, le 14 octobre 1066, le duc de Normandie, Guillaume le Bâtard, vainquit les armées anglaises lors de la bataille de Hastings (au sud de l'Angleterre), au cours de laquelle le roi d'Angleterre, Harold II, fut tué. Le duc de Normandie devint alors Guillaume le Conquérant et fut couronné roi d'Angleterre à l'abbaye de Westminster. Dès lors, la Normandie et les îles Anglo-Normandes furent liées à la Couronne d'Angleterre. Cependant, les Anglais n'acceptèrent pas facilement la domination normande et, de 1066 à 1070, le nouveau roi du pays dut mâter énergiquement les rébellions anglo-saxonnes avant de se faire reconnaître; il s'appliqua même à implanter ses barons normands dans tous les comtés de l'Angleterre au détriment des seigneurs locaux qui parlaient anglais. Graduellement, le franco-normand et le français ont remplacé l'anglais dans les actes publics et les cérémonies officielles parce qu'ils étaient les langues du conquérant.

Le fait que la Normandie soit assujettie à la Couronne d'Angleterre provoqua des conflits entre l'Angleterre et la France: le roi d'Angleterre ne pouvait qu'accepter difficilement d'être le vassal du roi de France en tant que duc de Normandie. En 1202, le roi de France Philippe Auguste déposséda le roi d'Angleterre Jean sans Terre de son duché de Normandie et commença la conquête de la région. Toutefois, une partie des îles Anglo-Normandes resta fidèle à Jean sans Terre (îles Jersey, Guernesey, Sark, Alderny/Aurigny), alors que les îles Chausey passèrent sous la domination française. Cette situation historique explique pourquoi les îles Anglo-Normandes ont toujours été liées au royaume d'Angleterre, même après que la Normandie fût officiellement revenue à la France en 1259, de façon définitive en 1450 après la guerre de Cent Ans, et pourquoi plus de 85 % des habitants des îles Anglo-Normandes sont encore les descendants des Normands qui ont conquis l'Angleterre au XIe siècle. 

Par la suite, le régime politique des îles Anglo-Normandes a été confirmé par des chartes royales anglaises qui ont eu pour effet, d'une part, de fixer l'indépendance des systèmes judiciaires des îles par rapport aux cours britanniques et, d'autre part, de leur accorder des privilèges importants, notamment le droit de commercer librement avec l'Angleterre et le droit d'être exemptées des impôts britanniques.

Le statut actuel des îles Anglo-Normandes perpétue l'ancien système juridique s'appliquant au territoire. En effet, c'est en tant qu'héritier du titre de «duc de Normandie» que le souverain britannique continue aujourd'hui d'exercer sa souveraineté sur ces îles qui n'appartiennent pas au Royaume-Uni; autrement dit, le souverain britannique gouverne ces îles comme s'il était encore duc de Normandie. Les îles Anglo-Normandes n'ont donc jamais été sous la dépendance du Parlement britannique ou du gouvernement de Sa Majesté. Bien qu'elles soient indépendantes du régime politique britannique depuis 1204 et possèdent leur propre constitution et leur propre législature, les îles Anglo-Normandes ne constituent ni un État souverain ni une colonie britannique. Ce sont bel et bien des possessions de la Couronne britannique avec des législatures indépendantes, des cours de justice et des gouvernements autonomes. Cela signifie qu'aucune loi du Parlement britannique ne s'applique aux îles Anglo-Normandes, sauf si le nom de Jersey ou de Guernesey est expressément nommé — à partir d'une requête officielle des gouvernements locaux — dans un texte juridique anglais.

En fait, les îles Anglo-Normandes sont divisées en deux bailliages: le bailliage de Jersey et le bailliage de Guernesey, ce dernier incluant aussi sous sa juridiction les îles d'Alderny et de Sark, ainsi que les dépendances que sont les îles de Herm et de Jethou. Les assemblées législatives de Guernesey (ou États de Guernesey) et de Jersey (ou États de Jersey) ont le droit exclusif de légiférer sur les affaires intérieures — y compris le prélèvement des impôts et des taxes — aux îles, mais le Home Office de Londres est responsable de la défense du territoire et des Affaires extérieures; dans la pratique, le gouvernement de chacune des îles est consulté avant tout accord international qui les impliquerait, notamment dans les traités concernant l'Union européenne. 

Précisons que les deux bailliages, celui de Guernesey et celui de Jersey, constituent des entités politiques distinctes qui, en principe, n'ont pas de liens formels entre elles. Enfin, Guernesey et Jersey disposent de leur propre monnaie et de leur propre poste, mais acceptent au pair la livre anglaise.

4 Les politiques linguistiques

Dans les îles Anglo-Normandes, le français a été, à partir du XIIIe siècle, une langue co-officielle avec l'anglais. Dans les premières décennies du XXe siècle, les débats dans les ASSEMBLÉES LÉGISLATIVES de Guernesey et de Jersey se déroulaient encore en français, parfois en franco-normand — selon le cas, en jersiais ou en guernesiais —, même si les lois étaient rédigées en anglais. Depuis 1938, l'usage du français a pratiquement disparu de tout usage officiel, excepté dans certains actes notariés et certains textes de loi. En 1966, une ordonnance des États de Guernesey abandonnait le statut de langue co-officielle du français en faveur de l'anglais, mais les deux langues sont restées théoriquement co-officielles dans les États de Jersey. Aujourd'hui, les assemblée législatives de Guernesey et de Jersey n'utilisent plus que l'anglais, tant dans les débats que dans la rédaction des lois.

Dans les COURS DE JUSTICE des États de Jersey, le français est demeuré la langue officielle, mais l'emploi de l'anglais est autorisé. À Guernesey, l'anglais et le français sont tous deux officiels en ce qui a trait aux anciens textes de lois demeurés en vigueur. Dans les deux bailliages, les documents juridiques ne sont plus rédigés qu'en anglais, mais les anciens textes juridiques écrits en français, voire en franco-normand, doivent être compris par les juristes.

Dans les ÉCOLES, les élèves n’apprennent plus que l’anglais comme langue maternelle et le français est enseigné comme langue seconde dans tous les établissements d’enseignement. À Jersey, depuis 1991, un cours de langue française intitulé Salut Jersey est enseigné dans toutes les écoles primaires à partir de huit ans. L'étude du français se poursuit au lycée à raison de 10 % de l'horaire scolaire. À l'âge de 16 ans, la plupart des élèves passent et réussissent, le "Certificat général de l'Éducation secondaire" en français; quelque 16 % des élèves qui suivent un cours plus approfondi jusqu'à 18 ans étudient le français. 

Du côté des MÉDIAS, tous les journaux paraissent en langue anglaise, sauf deux périodiques unilingues en franco-normand jersiais, le Jersey Evening Post et Les Chroniques de Don Balleine. La télévision locale diffuse 30 minutes par semaine une émission dans cette langue, mais Radio Jersey diffuse plusieurs émissions hebdomadaires à la radio.

Le français est encore très présent dans la TOPONYMIE des îles ainsi que dans les RAISONS SOCIALES des entreprises locales, surtout celles à vocation touristique (hôtels, auberges, restaurants). Aussi bien à Guernesey qu'à Jersey, on trouve des toponymes français (Piémont, St-Brelade, St-Ouen, Grouville, St-Clément, etc.) et des noms de rue (rue du Hocq, route de Noirmont, Grande Route de la Côte, rue de Jambart, rue du Câtel, route de Grosnez, rue de la Falaise, rue des Frères, Pollet Street, Le Marchant Street, Lefebvre Street, etc.). Pour ce qui est des raisons sociales, même le franco-normand cohabite avec le français (et l'anglais): La Maison hors d'Etcherre, La Bercheuse, Le Castel Mont-Orgueil, Les Cinq Chênes, Café Renoir, Havre des Pas, La Retraite Hotel, La Collinette Hotel, Hôtel de la Plage, La Grande Mare, Beau Sejour Centre, La Petite Pomme, Le Mont-Cochon, Victor Hugo Restaurant, etc. Pour le reste, seul l'anglais est utilisé pour toutes les fins officielles, commerciales, publicitaires et... bancaires.

5 Des politiques de non-intervention

Les deux bailliages (ou gouvernements) des îles Anglo-Normandes ont conservé jalousement leurs coutumes et privilèges hérités de la conquête normande: système politique autonome, lois internes, exclusivité de l'impôt et de la taxation , etc. Dans le domaine linguistique, les bailliages de Jersey et de Guernesey continuent de promouvoir sans enthousiasme le franco-normand (jersiais ou guernesiais), qui est en régression constante face à l'anglais. De façon générale, la langue parlée demeure l'anglais, sauf l'île de Sark où le franco-normand reste encore la langue usuelle des quelque 600 insulaires. Dans l'ensemble de l'archipel, seuls 2 % des locuteurs continuent d'utiliser régulièrement la langue traditionnelle des îles. 

Quant à la langue française, elle est surtout employée, comme nous l'avons déjà noté, dans certaines cours de justice, dans les toponymes et les odonymes (noms de rue), dans les raisons sociales locales et dans les activités touristiques. En réalité, les gouvernements des îles Anglo-Normandes n'ont pas de politique linguistique autre que la non-intervention.

 

C'est pourquoi des associations de citoyens se sont formées dans l'espoir de promouvoir leur langue ancestrale. Dans l'île de Jersey, mentionnons la Société Jersiaise, fondée en 1873, qui est toujours demeurée très dynamique dans la promotion du jersiais dans les médias et dans les écoles. À Guernesey, en 1957, L'Assembllaïe D'Guernesiais a été fondée pour assurer, cette fois, la promotion et la conservation du guernesiais. Puis, en 1995, ce fut Les Ravigotteurs, une association dont le but est d'encourager les insulaires à parler le guernesiais; ce groupe veut sensibiliser la population à l'utilisation de cette langue dans les médias et les écoles, puis au maintien des liens avec l'île de Jersey et les Français de Normandie. Pour plusieurs Jersiais et Guernesiais, il faut éviter de perdre pour toujours l'idiome ancestral qui survit encore, afin de conserver une partie intégrante de leur héritage. 

Il leur faudra toutefois vaincre l'apathie générale et surmonter cette "mer d'indifférence" qui semble être devenue une donnée incontournable dans les îles. Malgré toutes ces bonnes intentions, il y a fort à parier que le sort du franco-normand est désormais scellé par sa non-utilisation de la part des organismes officiels des îles. Le fait que le franco-normand est scindé en deux variantes assez distinctes, le jersiais et le guernesiais, ne facilite pas non plus la tâche des militants.

De plus, en raison du statut politique de l'archipel qui en fait un "paradis fiscal" important, de nombreuses sociétés britanniques et européennes y ont domicilié leur siège social. Or, dans les domaines de la finance et des banques, l'anglais constitue la seule langue de communication et ce n'est certainement pas grâce à l'élevage laitier pratiqué à Guernesey que le franco-normand — le guernesiais en l'occurrence — va pouvoir rivaliser avec l'anglais. Enfin, il ne faut surtout pas compter sur la Grande-Bretagne pour raviver une quelconque langue ancestrale, l'expérience du passé étant là pour démontrer que le gouvernement de Sa Majesté a toujours tout fait pour assimiler les minorités linguistiques. Il faut ajouter aussi que, de toute façon, ce gouvernement n'a aucune juridiction sur le territoire des îles Anglo-Normandes. Le sort de cette langue ancestrale dépend donc essentiellement de ses locuteurs dont le tout petit nombre constitue un très sérieux handicap.

 

 

Le Royaume-Uni

 

L'Angleterre

Le pays de Galles

L'Écosse

L'Irlande du Nord

L'île de Man

Bibliographie

 

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